Jérôme Cavalli

Jérôme Cavalli - Coublevitain, aviateur, voltigeur et combattant en Afrique du nord
Un texte rédigé par son fils, Jérôme Cavalli
HISTOIRE DE MON PERE
Jérôme CAVALLI est né le 25 Octobre 1905 à Lapeyrouse-Mornay, dans la Drôme. Quelques années plus tard, ses parents, pour des raisons professionnelles, s’installent à Coublevie.
Jérôme n’a que 5 ans et sera inscrit à l’Ecole Communale Rue du Presbytère,à Coublevie - il fera toute sa scolarité et passera son Certificat d’Etude.
Plus tard sa mère décède de la grippe en 1916 et son père en 1920.
Jérôme est orphelin à 15 ans, il est recueilli dans la famille de sa mère à Omblèze dans le Vercors, puis à Penne de Sec en Drôme dans la famille de son père. Sa destiné est toute tracée, il sera berger. Mais c’est en gardant les moutons qu’il voit passer des avions !!!! D’où lui vient l’idée d’en faire son métier.
C’est alors qu’il quitte sa famille pour se rendre, son petit baluchon sur l’épaule en Mai 1924 à l’école des pilotes de Chalon sur Saône, et le 14 Novembre 1924, il obtient son brevet de pilote, il n’a que 19 ans. Après un stage de perfectionnement sur la Base Aérienne d’Istres le Tubé, il est affecté le 2 Avril 1925, comme sergent pilote à la 6ème Escadrille de chasse (Escadrille des Sioux) du 35° Régiment d’Aviation de Lyon-Bron où il y restera jusqu’en 1930.
Pour l’anecdote, durant son séjour dans l’armée, il fut « recordman » des jours d’arrêts de rigueur pour indiscipline aérienne. (Tonneaux, loopings, passage à très basse altitude en plein gaz, acrobaties, passage sur le dos, etc.) enfin tout ce qui est interdit par le règlement. Mais en 1929 et 1930 il participe aux meetings acrobatiques de Vincennes.
En 1930 il est remarqué par les Avionneurs GOURDOU et LESSEURE, et fut choisi pour présenter et réceptionner en Turquie un nouvel avion de chasse de la firme. C’est alors qu’il se fit très vite apprécié par ses qualités indéniables de pilote et en particulier de pilote d’acrobatie.
En 1931, Jérôme CAVALLI quitte l’armée de l’Air et entre le 8 Juin 1931 chez GOURDOU & LESSEURE comme pilote d’essai, pour devenir par la suite le chef pilote de la firme. C’est désormais à Jérôme CAVALLI qu’incombe la tâche de la mise au point des prototypes d’avions de chasse et d’hydravions. Par exemple c’est lui qui a mis au point les premiers essais de bombardement en piqué. En même temps, il peut donner libre court à sa virtuosité, il participe chaque année à de nombreux meetings qui fera croitre très vite sa réputation. Il devient l’un des meilleurs spécialistes de la haute école aérienne et des vols inversés.
Comme il se plaisait à le dire, la semaine j’ai un travail sérieux de pilote d’essais, de metteur au point, et le dimanche je m’amuse, je suis un pilote de cirque, un faucheur de marguerites et mon plaisir est là.
Il participe à plus d’une centaine de meetings en France et à l’étranger (Belgique, Portugal, Allemagne, etc …). En 1936, aux Jeux Olympiques de Berlin, il fait une démonstration acrobatique de voltige aérienne. 1938, Il est sacré Champion de France d’Acrobatie Aérienne.
En 1940, se sachant recherché par les Allemands, il quitte la région Parisienne et se rend à Toulouse, il réceptionne des appareils civils et en profite pour mettre au point les trains rentrants, le pilotage automatique, et les essais à 10 000 m d’altitude.
Toujours recherché par les Allemands et voulant rejoindre Londres, on lui propose de passer par Gibraltar. Il se retrouve donc au Maroc mais sa tentative échoue.
Il reste en Afrique du Nord et est engagé comme pilote de ligne au SGLA (Service Général des Liaisons Aériennes). Il va de Casablanca jusqu’à Tunis. Pour la petite histoire on lui mettait très peu d’essence dans son avion, pour éviter qu’il ne fuît en Angleterre rejoindre De Gaulle.
Jérôme CAVALLI attendait impatiemment de pouvoir faire vraiment quelque chose d’utile pour son pays. IL VOULAIT SE BATTRE.
Il en trouve l’occasion dès l’arrivée des Alliés en Algérie en Novembre 1942. Il s’engage comme pilote de chasse dans une unité combattante rééquipée par les Américains. C’est le fameux Groupe de Chasse LAFAYETTE, où il retrouve l’insigne de son ancienne escadrille du 35° régiment de Lyon-Bron : la Tête d’Indien
Le Commandement du groupe LAFAYETTE est confié à COSTA ROSANOFF un ancien ami de Jérôme CAVALLI.
Le groupe de chasse (sur CURTISS P40) prend la direction de Thelepte dans le sud Tunisien, un peu au nord de Tozeur, vaste plateau au sol sec et dur situé à 800 m d’altitude.
Le 17 Janvier 1943 Jérôme CAVALLI est nommé sous-lieutenant avec remise de son insigne d’escadrille N° 173. QUEL BONHEUR POUR LUI !
Et puis il y a eu ce 3 Février 1943... Il était environ 16h30, il faisait un froid sec, le vent était calme, et le soleil s’enlisait lentement à l’horizon. Brusquement, venant du sud, une quinzaine d’avions Allemands débouchèrent au raz des crêtes en ouvrant leur passage de longues rafales traçantes…Quelques instants plus tard, une bombe creusa un large entonnoir devant le PC de l’escadrille des Sioux, où se trouvait mon père et un camarade pilote le Sergent-Chef COISNEAU.
C’était fini.
Comme tout aviateur, et parce qu’en haut on est plus près des étoiles, il avait toujours souhaité s’en aller à bord de son avion, mais ironie du sort, sa destiné en avait décidée autrement.
A travers le parcours de mon père, je crois qu’il faut profiter de ce moment pour rendre aussi un hommage à tous ceux qui ont fait de l’aviation ce qu’elle est aujourd’hui. Qu’ils soient ingénieurs, pilotes, compagnons, mécaniciens, ils ont, tous ensembles, débroussaillés ce ciel, et au fil des années fait de l’aviation un moyen de transport sûr, rapide, et banalisé.
Le temps des merveilleux fous volants, héritiers d’ICARE, de LEONARD DE VINCI de ces aventuriers qui partaient à la conquête du ciel est révolu. Aujourd’hui, la technique, les lois aérodynamiques, l’électronique, l’informatique, ont pris le dessus et l’aviation n’est plus qu’une affaire de haute technologie. Mais pourtant, pour en arriver là, que de chemin parcouru.
Mon père, comme beaucoup d’autres, faisait partie de ces hommes passionnés qui, à travers l’histoire ont donné à notre civilisation, à notre nation, les traits essentiels de leur pureté.
La richesse de leur pensée, la lucidité de leur raison, la solidarité de leur caractère, la résonnance cachée de leur sensibilité, et l’inflexibilité de leur choix, les hissaient aux cimes les plus élevées d’une âme nourrie à la fois :
Du sens sacré du devoir
Du culte de l’amitié
Et de l’incisif courage d’opinion sur les choses et sur les êtres.
Ce qui est rassurant et réconfortant dans notre monde actuel, où tout va vite, où tout s’emballe, c’est que notre mémoire intime garde toujours présente et intact le souvenir de nos aînés, nous leur devons beaucoup, nous leur devons surtout notre LIBERTE.
Ceux qui se sont absentés, ceux qui nous ont quitté comme des étoiles qui s’évanouissent au firmament de notre communauté, mais que nous ne pouvons concevoir au néant et qui reste toujours présent au ciel de notre maison.
Je suis venu sur terre en Tunisie, par une belle nuit d’été, mais dans un monde en feu.
Je n’ai pas eu la chance de connaître mon père – lui-même n’a jamais su qu’il aurait un enfant.
Il avait, comme beaucoup à cette époque, choisi sa route, choisi son itinéraire, parce qu’il le croyait juste, celui de se battre contre un envahisseur affamé de domination.